Vincent Van Gogh

L’immense célébrité de Van Gogh repose sur une équivoque. Plus que sa peinture, c’est l’homme qui, pour le plus grand nombre, suscite un intérêt passionné. Il incarne l’état de l’artiste maudit et résume à lui seul la condition humaine des expatriés de la vie sociale. Pourtant, toute son existence est tendue vers cette volonté de s’intégrer au monde, d’y apporter le réconfort, de générer le bien. Sa vocation religieuse connaît un échec douloureux dont sa peinture constitue une sorte de revanche. La vocation artistique de Van Gogh échappe ainsi à la tradition. Elle supplée à une carrière de pasteur avortée. Van Gogh est le peintre de la douleur de l’homme dans sa condition sociale malheureuse. Il est le chantre des « gens de peu » mais, dans sa solitude d’homme, il entreprend la plus formidable exploration de sa conscience d’être et sa peinture devient le miroir de cette quête ardente et périlleuse, puisqu’elle débouche sur la mort. Il est, avec Cézanne, l’un des précurseurs essentiels de la peinture moderne parce qu’il la charge d’un tout nouveau message, d’une toute nouvelle mission : exprimer ses sentiments. La peinture devenant un moyen fort d’être, Van Gogh y a consumé toute son énergie, toute sa vie. Il est ce fameux suicidé dont parlait Artaud. Mais suicidé de la peinture plus que de la société.